mardi 16 janvier 2024 à 20h15

Projection - La fiancée du pirate

Un mardi par mois, Maestra met à l'honneur une réalisatrice. Un cycle de programmation pour découvrir toute la richesse de notre matrimoine cinématographique mondial et mettre en lumière des cinéastes bien trop souvent effacées du récit historique.

LA FIANCÉE DU PIRATE

Nelly KAPLAN - France 1969 1h47mn - avec Bernadette Lafont, Georges Géret, Julien Guiomar, Jean Parédès, Claire Maurier, Henri Czarniak, Michel Constantin... Scénario de Nelly Kaplan, Claude Makovski, Michel Fabre et Jacques Serguine. Musique de Georges Moustaki, chanson interpreté par Barbara.

LA FIANCÉE DU PIRATE

Pour une fois, on va vous parler du film en commençant par la fin - rassurez-vous, ce n'est pas vous gâcher le plaisir que de vous la révéler - : sur les dernières images donc, Bernadette Lafont envoie dans les ronces ses chaussures à talon et prend la route de la liberté, jetant un premier coup d'œil qu'on devine énervé au panneau d'avertissement aux nomades qui dit bien l'état d'esprit du bled qu'elle quitte, puis un deuxième qu'on imagine curieux à l'affichette qui reprend le titre du film : La Fiancée du pirate. La musique est la version instrumentale tendance bastringue de la chanson de Barbara indissolublement attachée au film, Moi je m'balance, écrite et composée par Georges Moustaki :

« Moi, je m'balance, je m'offre à tous les vents, sans réticence / Moi je m'balance, je m'offre à qui me prend, le cœur indifférent… / Moi, je m'balance, au soleil de minuit, de mes nuits blanches / Moi, je m'balance, chacun sera servi, mais c'est moi qui choisis… » Les paroles de Moustaki donnent bien le ton joyeusement libertaire de cette comédie sardonique et incendiaire qui fustige l'hypocrisie et la médiocrité d'une petite humanité dominée par les mâles.

Comme le résume Nelly Kaplan elle-même, c'est « l'histoire d'une sorcière des temps modernes qui n'est pas brûlée par les inquisiteurs, car c'est elle qui les brûle. » La sorcière, c'est évidemment l'irrésistible, l'irréductible Bernadette Lafont, égérie de la Nouvelle Vague révélée une douzaine d'années plus tôt par Truffaut dans son court métrage mythique Les Mistons puis par Chabrol dans Le Beau Serge, qui trouve là l'un des rôles de sa vie, symbole de l'émancipation radicale des femmes. Elle jouera un personnage approchant quelques années plus tard dans Une belle fille comme moi, (1972), son seul long métrage avec Truffaut.
Née en Argentine de parents juifs russes, venue en France à l'âge de 22 ans, Nelly Kaplan était un drôle d'oiseau migrateur, libre comme l'air, qui avait débuté dans le cinéma aux côtés du réalisateur Abel Gance, avec qui elle collabora pendant une dizaine d'années. Proche des surréalistes, tout particulièrement d'André Breton, elle écrivit des livres érotiques épinglés par la censure, puis réalisa plusieurs courts métrages avant de lancer ce coup d'éclat dans la mare que fut La Fiancée du pirate, qui n'échappa pas lui non plus aux ciseaux d'Anastasie puisqu'il fut à sa sortie interdit aux moins de 18 ans pour cause de « sujet considéré comme libertin ». Tu parles, Charles !

Nelly Kaplan réalisa ensuite quelques films (Papa, les petits bateaux en 1971, Néa en 1976…) passés un peu inaperçus. Pas sûr que ça l'ait beaucoup affectée. Passionnée par le dessin, elle tourna des documentaires sur des maîtres de la peinture. Elle continua à aimer la poésie et publia plusieurs livres dont une autobiographie en 2016 : Entrez, c'est ouvert ! aux éditions L'Âge d'homme.

Source : https://www.cinemas-utopia.org/bordeaux/index…
Source : message reçu le 12 janvier 18h