lundi 22 janvier 2024 à 19h30

Projection-rencontre - Le consentement, en présence de Vanessa Springora

PROJECTION EXCEPTIONNELLE DU FILM suivie d'un échange avec l'autrice du livre, Vanessa Springora, et la réalisatrice du film, Vanessa Filho

Soirée organisée par la section syndicale École Nationale de la Magistrature du Syndicat de la Magistrature
Achetez vos places à l'avance au cinéma, à partir du Vendredi 12 Janvier.

LE CONSENTEMENT

Vanessa FILHO - France 2023 1h58mn - avec Jean-Paul Rouve, Kim Higelin, Laetitia Casta, Tanguy Mercier... Scénario de Vanessa Filho et François Pirot, d'après le livre de Vanessa Springora.

Du 22/01/24 au 22/01/24

LE CONSENTEMENT

Au cœur de ce film saisissant et profondément marquant, se trouve une archive télévisuelle qui apparaît aujourd'hui absolument inouïe. Nous sommes le 2 mars 1990, sur le plateau d'Apostrophes, l'émission littéraire de Bernard Pivot, référence incontournable de la télé culturelle entre 1975 et 1990. Ce soir-là un écrivain provocateur, adulé du tout Paris mondain - le président Mitterrand compris - fait le show. C'est un habitué de l'émission, il y participe pour la sixième fois ! Faussement fascinant de charisme trop calculé, aussi brillant que sa calvitie, le quinquagénaire Gabriel Matzneff déballe sans aucune vergogne sa passion dévorante des corps à peine adolescents, son goût des Philippines et de son tourisme sexuel, au fil des questions prétendument humoristiques de Pivot. Tout cela devant les sourires entendus des autres invités, femmes et hommes confondus dans la complaisance béate. Seule une écrivaine québécoise, Denise Bombardier, s'insurge de la duplicité de tout ce beau monde parisien et affirme publiquement sa réprobation et son dégoût face à Matzneff. Elle est immédiatement réduite au rôle de bonnet de nuit de service. Cette émission restera la faute inexcusable de Bernard Pivot.

Mais revenons au récit du film de Vanessa Filho, adapté de l'ouvrage autobiographique - tout aussi marquant - de Vanessa Springora. Tout commence en 1986 lors d'un dîner mondain « présidé » par Matzneff (Jean-Paul Rouve) et où sont présentes Vanessa (Kim Higelin), 14 ans - la plus jeune des convives - et sa mère (Laetitia Casta). On devise évidemment littérature, censure, provocation et tout le monde rit aimablement des propos libertins de la star de la soirée. Discrètement mais sûrement, l'écrivaillon jette son dévolu sur la jeune et timide Vanessa, dévoreuse de littérature… Par la grâce de ses mots, Matzneff noue dans les jours qui suivent une correspondance enflammée avec l'adolescente, qui tombe très vite amoureuse de ce symbole culturel, et se jette à corps perdu dans cette relation, au grand dam de sa mère, d'abord scandalisée et effrayée.


Très fidèle au livre de Vanessa Springora, le film décortique avec une grande intelligence et une précision implacable les mécanismes terribles de l'emprise installée et exercée par un homme qui a un ascendant incontestable sur sa proie, autour de laquelle il va tisser sa toile, la manipulant pour mieux la dominer. Comme le titre l'indique sans ambiguité, le récit définit précisément quelles sont les limites infranchissables de ce fameux consentement dont Matzneff va s'absoudre, non par la violence mais en utilisant avec une perversité glaçante des moyens de pression psychologique et morale : la moquerie, le mépris, la menace de séparation… dès que Vanessa exprime la moindre réticence à se soumettre à ses désirs. Pour l'adolescente, en admiration totale devant le maître, l'éventualité de la fin de sa relation sonne comme la fin du monde et elle ne peut supporter les remarques désobligeantes de Matzneff… donc elle cède. Par la suite sera évidemment décrit l'engrenage terrifiant dans lequel Vanessa tombera quand elle voudra se libérer de son prédateur. Lequel se vengera avec un livre… et trente ans plus tard Vanessa Springora se guérira de cette blessure par son propre livre.

On n'oubliera surtout pas de dire que Le Consentement décrit parfaitement la complicité effarante du milieu culturel de l'époque, qui a porté aux nues un pédophile avéré et auto-proclamé. À ce titre, on reste sidéré par l'attitude de la mère qui, naturellement scandalisée dans un premier temps comme on l'a dit plus haut, se laissera fasciner par le prestige que lui apportait la relation toxique de sa fille, et ira jusqu'à regretter la séparation.
Un dernier mot pour souligner la performance étonnante de Jean-Paul Rouve, méconnaissable de séduction frelatée et de froide cruauté. Il contribue sans aucun doute à la réussite du film.

Source : message reçu le 12 janvier 18h